La canne à sucre et la Guadeloupe

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Il existe trois étapes du développement de l'industrie sucrière en Guadeloupe. Pourquoi ? Parce que le sucre a joué un rôle extrêmement important dans la formation de la société en Guadeloupe. Aujourd'hui, la filière sucre connaît de graves difficultés. Ces trois étapes m'ont semblé constituer trois moments extrêmement importants dans la révolution de la filière sucre.

Première étape : La Révolution Sucrière
Deuxième étape : La période 1844 et 1860
Troisième étape : les grandes crises sucrières du XIXème siècle.

Première étape : La Révolution Sucrière

La Guadeloupe a été découverte, occupée et colonisée en 1635. Dès 1644, moins de dix ans après l'occupation de l'île par les Français est construit le premier moulin à sucre ; durant les années précédentes, la Guadeloupe était une économie de petites propriétés où on pratiquait la polyculture avec l'indigo, le coton, le gingembre et le tabac essentiellement. En 1640, le sucre apparaît, la canne va se développer. En 1644, est construit le premier moulin ; il y a de nombreuses discussions entre les historiens économiques qui se demandent qui entre TREZEL et Charles Houel (l'un des premiers gouverneurs de la Guadeloupe) a construit le premier moulin.
Il fallait être riche pour construire un moulin pour broyer la canne.
Pourquoi parlons-nous de révolution sucrière ? Parce que durant les vingt années qui vont suivre, des évènements importants se sont produits dont l'arrivée en 1654 des juifs chassés du Brésil. Avant les Antilles, le Brésil était le principal producteur mondial de sucre et donc, les juifs chassés du Brésil arrivent dans la Caraïbe et s'installent particulièrement en Guadeloupe. Ils apportent d'abord de l'or puis, des techniques de blanchiment du sucre qui était jusqu'alors exporté en France pour être raffiné. C'était une matière brute, de couleur noirâtre transportée dans des tonneaux qui souvent coulaient avant d'arriver dans les ports de France. Grâce aux connaissances des techniques de fabrication et de blanchiment du sucre des juifs et de leurs esclaves, le sucre pouvait aller directement à la consommation sans être obligé de passer par des usines de raffinage. Les Guadeloupéens pouvaient désormais exporter le sucre et le livrer à la consommation sans passer par les raffineurs.

Révolution sucrière, parce que le développement de la production du sucre va entraîner trois processus:

La concentration foncière :
Alors que les débuts de la colonisation sont caractérisés par un régime de petites propriétés, la canne exige de grandes superficies de terrain. Avec la chute de la production de tabac, remplacé par la canne à sucre, les colons vont racheter les terres des planteurs de tabac. Cette concentration foncière donne naissance à une « élite sucrière » qui va dominer toute la société antillaise.

Le développement de la population servile :
Le nombre d'esclaves va considérablement augmenter pour planter, récolter et transformer la canne en sucre à partir des moulins.
Cette période de 1640 à 1670 marque un tournant important dans l'évolution de la filière sucre pour la Guadeloupe. La Guadeloupe malgré son étroitesse était considérée comme "une puissance". On considérait la Guadeloupe à l'époque comme une puissance parce qu'elle alimentait la France en sucre.
Pourquoi la Guadeloupe pouvait-elle être qualifiée de puissance ? Au Moyen Age, les Européens ne connaissaient pas le goût du sucre, les seuls sucres connus étaient les fruits et le miel. Le sucre était donc une denrée extrêmement rare, qui traversait les océans pour arriver en Europe. Lorsqu'un prince voulait faire un cadeau à un autre prince, il lui envoyait un morceau de sucre. C'était une denrée rare réservée aux princes et à la Cour. Au fur et à mesure, la production de sucre va se développer dans la Caraïbe, on va le trouver chez les apothicaires.

Au 18e siècle, le sucre va devenir un produit de consommation de masse. A partir de la fin du 17e et début 18e siècle, la Guadeloupe va profiter de cet essor de la demande de sucre. C'est la demande qui constitue l'élément moteur de la production de sucre et c'est un trait caractéristique de notre économie qui veut que le moteur de la croissance se situe à l'extérieur des limites territoriales de l'île.
La première étape qui s'étend de 1640 à 1670 constitue l'étape de la révolution sucrière qui va modifier la structure sociale de l'île. Avant 1640, il y avait beaucoup de petits propriétaires et peu d'esclaves ; les Indiens avaient été éliminés de l'île, il y avait moins d'inégalités sociales.
C'est une nouvelle classe sociale qui va se développer avec l'apparition des moulins ; L'inégalité va s'instaurer entre un groupe de petits colons propriétaires d'habitations et une masse d'esclaves dont le nombre devient de plus en plus important. Pour pouvoir répondre à cette demande d'esclaves, pour planter la canne, la cultiver et la transformer en sucre va s'instaurer le commerce de la traite, le commerce triangulaire. A cette période, le développement de la canne est lié au développement de l'esclavage. Ceci entraîne des répercutions sociales importantes avec deux groupes ethniques : l' « élite blanche » et la masse servile.

Pour caractériser cette structure sociale et économique qui se mettait en place, les Anglo-saxons ont inventé le concept d'économie de plantation ou société de plantation ; trois caractéristiques principales :
L'habitation est une unité de production agricole (on plante la canne), industrielle (la canne est transformée en sucre), commerciale (le sucre est transporté en France pour être livré à la consommation et réexporté en Europe. A cette époque l'habitation ne tournait pas seulement autour de la canne, on plantait de l'indigo, du café, du coton, du tabac et un peu de culture vivrière bien qu'elle soit peu importante.
La majorité des produits est importée de France, des Etats-Unis et des îles voisines. L'habitation sucrière comporte deux éléments, la première agricole avec les espaces de terre mesurés en carré (mesure de l'époque). Un carré = 0.95 hectares soit environ un hectare. Il est conseillé de lire les recommandations des planteurs qui donnent des conseils à ceux qui veulent s'installer, sur la manière de planter et de cultiver la canne.

Dans ces champs de canne, il y a une caractéristique assez curieuse:

Les "jardins à Nègre" c'est-à-dire que le Code Noir, police élaborée et publiée après 1685 va prévoir que chaque colon doit fournir aux esclaves : nourriture, logement, et soin. Mais comme la rentabilité de l'habitation sucrière exige que toutes les terres soient plantées en canne, le colon va réserver très peu d'espace aux cultures vivrières et va importer la viande salée, la farine, la morue pour nourrir les esclaves ; il va leur céder un petit jardin où ils pourront planter des cultures vivrières et faire de l'élevage. C'est un élément important car c'est l'une des contradictions de la société locale esclavagiste ; grâce à ce "jardin à Nègre" on va accorder aux Nègres le samedi pour pouvoir cultiver. Cet espace nègre est important dans notre société car c'est un "espace de liberté", qui offrent aux esclaves la capacité de planter ce qu'il veut, de le récolter et les autorise à vendre le surplus ce qui leur permettra d'épargner quelques sous. Lorsqu'au début du XIXème siècle, ils auront la capacité de se racheter, cette épargne accumulée permettra à partir des années 1844 de constituer le pécule qui permettra à un certain nombre d'esclaves de racheter leur liberté.
Ce qui est important aussi dans ces "jardins à Nègre", c'est le fait qu'on pense que c'est sur ces jardins que va être maintenue la tradition des cultures africaines. Ce que nous avons conservé de l'Afrique, en plus du Ka et de la musique dont on parle beaucoup, c'est aussi cette manière de cultiver. Voilà pour la partie agricole : les champs, l'espace consacré à la canne, le petit espace réservé pour le "jardin à Nègre", et ensuite ce que nous appelons "bois debout", c'est-à-dire la partie non défrichée où va subsister la forêt primaire que nous sommes heureux d'avoir conservé. Car c'est grâce à l'absentéisme des planteurs qu'il reste encore des forêts en Guadeloupe, malheureusement endommagées à chaque cyclone.

La deuxième partie concerne la partie industrielle :
Le processus de production du sucre. La canne passe dans des moulins puis dans différentes chaudières, en fonction de la richesse du colon.
Il y a 6, 4, 3 chaudières suivant les moyens financiers du propriétaire. Ensuite à la purgerie pour leur permettre de « dégoûter » pendant un certain temps avant de partir en France.
C'est enfin la partie commerciale. Pour commercialiser le sucre, les colons avaient recours à trois possibilités : être en relation directe avec les négociants des ports (les plus riches planteurs de Guadeloupe) ; lorsque Saint-Pierre va être érigé en chef lieu des îles du Vent, la Guadeloupe va être dépendante de la Martinique et on sera obligé de passer par eux. Les commissaires de Saint-Pierre vont s'enrichir aux dépens des planteurs de Guadeloupe et vont constituer une classe de gros propriétaires.
Les commissaires de Saint-Pierre vont s'enrichir aux dépens des planteurs de la Guadeloupe et vont constituer en Martinique une « bourgeoisie » qui n'existera pas en Guadeloupe.
Au moment de la Révolution, Victor Hugues va couper les têtes de tous ces gens qui ont trahi, et cette « classe dynamique » pour la Guadeloupe aura disparu.

Pendant tout le 18ème siècle, je l'ai signalé, la Guadeloupe a été considérée comme une puissance économique, car il y avait une forte demande de sucre ; les îles de la Guadeloupe, la Martinique et plus tard Saint-Domingue étaient les trois grosses colonies productrices de sucre, ce qui permettait à la France d'équilibrer sa balance commerciale : le sucre, après raffinage, était réexporté dans tout le Nord de l'Europe, c'était la France qui alimentait l'Europe en sucre.
Aussi, lorsqu'il a fallu choisir, en 1763, entre le Canada et les Colonies, les Français ont préféré abandonner le Canada aux Anglais et conserver les îles à sucre, car elles leur permettaient d'équilibrer la balance commerciale. J'ai considéré que cette période de 1640 à 1670 constituait la première révolution sucrière dans l'évolution de la filière sucre.

Le Deuxième moment se situe entre 1844 et 1860
A cause du blocus continental instauré par Napoléon contre les Anglais pour les empêcher de se ravitailler, les navires ne pouvaient plus approvisionner l'Europe en sucre de canne : il va y avoir la reprise des recherches sur la possibilité de fabriquer du sucre à partir de la betterave. Dès 1807, un Polonais, qui s'appelait Margrav, avait trouvé qu'on pouvait tirer du sucre de la betterave ; l'impossibilité d'assurer la commercialisation du sucre va faire que ces recherches vont reprendre et à partir de 1830, la production de sucre de betterave commence à devenir importante.
Dans l'ancien système, au niveau des relations commerciales entre la France et ses colonies, la règle de l'exclusif était en vigueur (exclusivement au profit de la Métropole, c'était la même chose pour les colonies anglaises).

Cette règle signifiait trois choses au moins :

1. L'interdiction pour les colonies d'acheter des biens ailleurs qu'en Métropole ;
2. En Contrepartie, l'obligation pour la Métropole d'acheter les productions coloniales, ce qui signifiait que le marché de la Métropole était réservé au sucre de canne ;
3. Une mesure de politique économique prévoyait en outre pour lutter contre le chômage, que tous les transports devaient être assurés par des bateaux nationaux, avec des équipages nationaux et aboutir à des ports nationaux.

A partir de 1840, les colons vont protester contre la production de sucre de betterave : la pression de ce "lobby" va presque aboutir à l'interdiction de la construction d'usines de traitement de sucre de betterave ; un projet de fermeture sera même déposé auprès du Gouvernement, mais il va soulever un tel "tollé" en 1841 qu'il sera abandonné.

S'il n'y avait pas cette concurrence du sucre de betterave, il est certain que le sucre de canne aurait connu un développement encore plus extraordinaire, avec l'augmentation de la demande. Les colons subissent la concurrence du sucre de betterave qui va petit à petit dominer le marché mondial ; à la même période, d'autres colonies vont développer la production de sucre, c'est le cas de Cuba, des îles Hawaï, etc. … Les colons vont se rendre compte que la période de l'habitation sucrière est finie, la productivité est nulle, on parle de plus en plus de l'abolition de l'esclavage, nous sommes en 1840, et ils vont donc réfléchir au moyen d'augmenter la productivité de façon à pouvoir vendre moins cher en Europe pour ne pas subir la concurrence du sucre de betterave.
C'est à ce moment-là qu'un ingénieur français, Daubrée, va être envoyé en mission pour examiner la situation de la production de sucre dans les colonies des Antilles : il va proposer de séparer radicalement l'agriculture de l'industrie en suggérant aux colons d'abandonner la fabrication de sucre avec les moulins et de vendre leurs cannes aux usines pour la production de sucre. Avec les moulins, on tirait 5% de sucre de la canne ; Daubrée pense qu'avec l'usine, on pourra tirer 10% de sucre. Il va donc proposer aux colons de leur acheter la canne pour le prix des 5% de sucre qu'ils en tirent, espérant une rentabilité de l'activité industrielle des 5% supplémentaires obtenus.
Le tremblement de terre du 8 février 1843, avec la destruction des moulins qu'il va provoquer (c'est la plus grande catastrophe sismique que nous ayons connue, Pointe-à-Pitre a été rasée), va convaincre les colons réticents d'accepter cette proposition.

C'est ainsi qu'en 1844 apparaît la première usine centrale, centrale parce que située au centre de plusieurs habitations sucrières qui lui livrent la canne ; le groupe Daubrée va investir près d'un million de francs et est propriétaire de deux usines centrales, Acomat (Moule) et Duval (Petit-Canal), les deux premières usines centrales de la Guadeloupe. Un autre groupe va construire quatre autres usines ; ces usines constituent la première génération des usines se caractérisant par une séparation radicale de l'agriculture et de l'industrie. L'agriculture réservée aux habitations, l'industrie aux usines centrales, ce qui représente une différence par rapport à l'économie de plantation où l'unité de production était à la fois agricole, industrielle et commerciale.
Avec l'utilisation de la vapeur, la demande de canne va augmenter et les planteurs vont être obligés d'emprunter pour développer les cannes qu'il faut livrer à l'usine.
Un système bancaire est alors mis en place, avec la création par la loi de 1851, de la Banque de la Guadeloupe.

Cette banque sera à la fois :
1. Une banque d'émission : elle aura de 1853 à 1944 un privilège d'émission des billets, avec l'instauration d'un système monétaire autonome et des billets de banque guadeloupéens ;
2. Une banque de crédit agricole pour permettre aux propriétaires d'avoir un fonds de roulement pour l'exploitation de la canne ;
3. Une banque de change également pour échanger les billets de Guadeloupe contre des billets de France lors du règlement des importations.
Un deuxième établissement bancaire est mis en place : le Crédit Foncier Colonial (établissement métropolitain) qui consent des prêts à moyen et long terme aux propriétaires qui veulent moderniser leurs usines.

Deuxième élément, en 1848, l'abolition de l'esclavage fait qu'on passe d'un système esclavagiste à un système salarié : la Banque de la Guadeloupe a d'ailleurs été créée pour prêter les fonds permettant de payer les salariés. Pour réaliser l'abolition dans les meilleures conditions possibles, Schœlcher avait proposé d'indemniser les propriétaires d'esclaves privés de leur "propriété".
Cette indemnisation, estimée dans un premier temps à 1.200 F par esclave, a été ramenée après discussion à une somme globale de 6 millions de francs pour les 90 000 esclaves de l'époque. Un amendement prévoyait qu'1/6 de cette indemnité devait servir à former le capital d'une banque qui permettrait aux colons de payer les salaires : c'est ainsi qu'à été constitué le capital de la Banque de la Guadeloupe. Cette Banque de la Guadeloupe, qui est devenue dans les années 1960 la BDAF, par absorption d'autres petits établissements, est toujours visible aujourd'hui sur la Place de la Victoire.

Un système de financement et une main-d'œuvre salariée : voilà deux éléments qui font que cette période de 1840 à 1860 peut être considérée comme une "révolution industrielle".
Cependant, l'Usine Centrale qui achète la canne aux colons sur la base de 5 % sert de garant pour les prêts accordés par la Banque aux colons ; c'est ce qui va faire basculer le système. En effet, avec la surproduction de sucre et la concurrence du sucre de betterave, les planteurs guadeloupéens qui ont emprunté pour augmenter la production de canne, seront incapables de rembourser la Banque et l'Usine va commencer à racheter leurs terres données en garantie des prêts ; elle va devenir peu à peu un gros propriétaire terrien. Evolution paradoxale, puisque, alors que Daubrée avait voulu séparer l'agriculture de l'industrie, les difficultés des planteurs font que l'on revient à l'ancien système ; l'Usine Centrale est à la fois planteur de canne et unité industrielle (transformateur des cannes en sucre). C'est ainsi qu'on va passer de l'Usine Centrale à l'Usine (propriétaire des terres). Cette période, qui va de 1860 à 1880 est une période de croissance pour la Guadeloupe : de grosses usines vont être créées à cette époque, Darboussier à Pointe-à-Pitre ; inaugurée en 1869, fermée en 1975, a été la plus grosse usine de traitement de la canne de la Guadeloupe.
Lorsqu'on parle de Révolution Industrielle en Grande Bretagne ou en Europe, c'est en général un processus qui intervient dans des pays qui se situent au même niveau de production économique : il n'y avait pas de pays développé et pays sous-développés ; c'est après la révolution industrielle que va se creuser l'écart qui sépare les pays développés des pays sous-développés, les pays de la périphérie.
Qu'est-ce qui fait que cette révolution industrielle a échoué en Guadeloupe ? Elle a échoué parce que ce qui faisait la richesse et la force de la colonie dans le système économique de plantation, c'était le fait qu'il y ait un monopole sur le marché métropolitain, dans le cadre de l'exclusif, et qu'il y avait une demande de sucre très forte en Europe. En 1860, le système de l'exclusif a été remplacé par le système du libre-échange (traité de libre-échange signé entre la Grande-Bretagne et la France en 1861) et il y a parallèlement une augmentation de la production de sucre de betterave, et de sucre de canne produit par des colonies étrangères.
C'est ainsi que nous arrivons au 3ème moment, à partir des années 1882.

la période des grandes crises sucrières du XIXème siècle.

Trois grandes crises :
1. Celle de 1882-1886 qui est une crise de surproduction
2. Celle de 1895-1897 qui est une crise de change
3. Celle de 1902-1904 qu'on pourrait prolonger jusqu'en 1910, qui est une crise sociale.

J'insiste sur ces trois moments car certains collègues considèrent qu'entre 1882 et 1910, il n'y aurait eu qu'une seule longue crise ; je pense qu'il y a eu trois moments bien distincts.
La première crise 1882-1886 est une crise de surproduction : le prix du sucre va s'effondrer et comme la Guadeloupe est une zone de monoculture, la baisse des quantités exportées et la baisse du prix du sucre sur le marché va provoquer une insuffisance des rentrées d'argent et une crise extrêmement grave. A cette époque, les chutes de prix étaient considérables : aujourd'hui, lorsqu'il y a une baisse de 1 ou 2%, les producteurs crient "an mwè" (au secours) ; à l'époque, le sucre était passé de 65 F/to à moins de 25 F/to, ce qui va aggraver la situation des planteurs. C'est à ce moment-là que le Crédit Foncier Colonial qui avait été créé en France pour financer la création et la modernisation des usines, va acquérir les terres des habitations sucrières.
Deuxième mouvement : 1895-1897, c'est une crise de change : la Guadeloupe émet des billets qui circulent à l'intérieur de la colonie. Lorsqu'on voulait payer des importations venant de France, il fallait échanger 1 F guadeloupéen contre 1 F français. Lorsque le prix du sucre va baisser, le montant des exportations va chuter, et la Banque de la Guadeloupe, qui utilisait cette réserve monétaire fournie par ces exportations pour garantir la valeur de son franc, va se trouver avec des réserves de devises insuffisantes pour garantir la stabilité du franc guadeloupéen, et petit à petit, elle devra "augmenter le change" (2 F, puis 3 F jusqu'à 30 % d'augmentation) pour préserver sa monnaie. Les importations coûtaient donc plus cher, et les denrées importées (comme la morue, traditionnellement consommée par les salariés) était très chère, ce qui va entraîner une misère importante.
Troisième mouvement de cette troisième étape, la crise sociale, les premiers mouvements syndicaux 1902-1910.

Cette période est intéressante pour deux raisons :

1. Nous avons une chance extraordinaire de posséder les seuls documents qui font parler ceux qui n'ont jamais parlé. En effet, des dizaines d'ouvrages ont été écrits sur l'esclavage, mais aucun n'est écrit à partir de documents écrits par des esclaves ; on écrit sur l'esclavage à partir de la répression du marronage ou d'une désobéissance de l'esclave : c'est toujours la parole du maître qui nous permet, en lisant entre les lignes, de savoir quelle était la vie quotidienne des esclaves, même ce qu'on peut savoir de leur mentalité. En 1910, un magistrat est nommé par le Gouverneur pour enquêter sur les origines et les causes de la grève de 1910. Ce magistrat est allé sur le terrain pour interroger les salariés, les petits planteurs, les usiniers sur la grève de 1902. Cela a donné lieu à un rapport d'environ 200 pages (Rapport Salinière), qui est un document où on "entend parler" les petits planteurs, les salariés, les propriétaires d'usines. C'est intéressant parce que les salariés indiquent comment ils se nourrissent (un peu comme l'enquête que vous avez réalisée sur la consommation de rhum et de sucre) ; cela nous livre une source documentaire authentique très importante, et ce rapport constitue un document qu'il faudra bien publier un jour …

2. Deuxième intérêt de cette période : la naissance et le développement des mouvements syndicaux et des mouvements politiques socialistes. C'est à cette époque que vont apparaître les premiers syndicats et que vont se développer les mouvements politiques, beaucoup de noms dont vous avez déjà entendu parler comme Légitimus. Il y a maintenant plusieurs travaux sérieux sur ce sujet.
Voilà ce que je voulais vous dire très rapidement sur les trois moments que j'estime importants de la filière sucre.
Quels enseignements importants peut-on tirer de cela pour la période actuelle ?
1. La première information, c'est que nous avons tiré trop tard les leçons de ces études ; sinon, nous nous serions rendus compte depuis longtemps que les difficultés de la filière sucre ne viennent pas principalement de l'usine, mais de la culture de la canne. A toutes ces époques, il y a eu insuffisance de canne pour alimenter l'usine, insuffisance liée au fait que la culture n'était pas suffisamment rentable et que les petits planteurs l'abandonnaient petit à petit ; c'est la crise de 1902-1910 qui va nous le montrer de manière évidente. Par conséquent, les financements qui ont été mis dans les années 80 pour moderniser les usines font que ces usines augmentent leurs capacités de production, alors que la quantité de canne livrée est insuffisante pour leur permettre de tourner à plein régime;
2. Le deuxième élément, c'est que les coûts de production sont trop élevés par rapport au marché mondial, et ceci est apparu dès les années 1840, où la production du sucre de betterave s'est développée et a concurrencé la production du sucre de canne ; on s'est rendu compte qu'on n'était "pas dans la course" avec des coûts de production trop élevés.

Source : Conférence de M. BUFFON

 

 
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